Bien sûr, invoquer Roland, c’est penser à Roncevaux et à l’étape du
Camino entre Saint Jean pied de Port et Roncevaux. C’est invoquer une légende,
un mythe, un personnage surement fictif mais un héros au cœur des mémoires,
homme de devoir, de fidélité, d’intégrité !
Pourtant, à l’occasion d’une randonnée effectuée avec des amis, en ce week-end du 13 et 14 Octobre, au cirque de Gavarnie, au sud de Lourdes, en hautes Pyrénées, le
cheminant a pu noter la force des légendes en contemplant … la brèche de Roland,
à 2804 m d’altitude.
Comment en cet endroit des Pyrénées autre que la voie du port de Cize
a-t-on pu imaginer la présence de Roland ?
L’histoire de Roland est développée dans le Livre de Saint Jacques, dont
la traduction et l’analyse critique ont donné lieu à l’ouvrage de Bernard
GICQUEL°, La Légende de Compostelle. C’est dans le livre III qui traite entre
autres de « l’Histoire de Charlemagne et de Roland » que l’on fait
connaissance avec Roland. Ce Livre III, aurait été rédigé au début du XII ème
siècle par TURPIN, archevêque de Reims.
On y apprend que Roland était neveu de Charlemagne (Roland était fils de
sa sœur Berthe), comte du Mans et sire de Blaye, et chef d’armée lorsqu’il
participa à la conquête de l’Espagne auprès de l’Empereur. On se souvient que
Charlemagne répondait à un appel de l’apôtre Jacques pour délivrer son tombeau
de la présence des sarrasins.
Roland entre dans la légende de Compostelle, par son action lors de la
bataille de Najera au cours de laquelle il affronte un géant, Ferragut, venu de
Syrie avec 20 000 turcs pour affronter Charlemagne. Après s’être déjà battu et
au terme d’une « excellente controverse » sur les différences entre
la religion chrétienne et la religion sarrasine, les 2 protagonistes
conviennent des modalités de la suite du combat !
« - Je vais donc, dit alors Ferragut,
combattre avec toi à la condition suivante : si, comme tu le prétends, ta
foi est vraie, que je sois vaincu ; si elle est mensongère que ce soit toi
qui succombes. Que la nation vaincue soit couverte à jamais de honte et
d’opprobre, la nation victorieuse de louange et de gloire.
- Qu’il
en soit ainsi, dit Roland. »
Roland triomphe de lui lors d'un combat en face à face, après avoir
appelé à son aide son Dieu et frappé Ferragut en son point vulnérable, le
nombril !
Mais de fait c’est avec la défaite de Roncevaux que la légende de Roland
va s’étendre encore plus.... Après avoir gagné la bataille des masques à
Cordoue, partagé les terres ibériques entre les vainqueurs, convoqué un Concile à Compostelle et attribuant
au lieu le titre de "siège apostolique" au même titre que Rome (Saint
Pierre) ou Ephèse (Saint Jean l'Evangéliste), Charles prend le chemin de la France
et loge avec son armée à Pampelune.
Là, il mandate Ganelon auprès des
2 rois sarrasins de Saragosse, Marsire et son frère Beligant, afin de leur
rappeler qu'ils ont à recevoir le baptême ou à lui payer un tribut. Mais
Ganelon trahit Charles, et passe un pacte avec les 2 rois sarrasins au terme duquel
il leur livrerait les chevaliers de Charlemagne en contrepartie de richesses
(20 chevaux chargés d’or, d’argent et d’étoffes).
Charlemagne passe le port de Cize mais son arrière garde avec Roland et
Olivier, composée de 20 000 chrétiens, est attaquée par les armées de Marsire
et Beligant. D’abord la première armée sarrasine est décimée, 20 000 sarrasins
sont tués. Mais la seconde armée sarrasine avec 30 000 hommes défait l'arrière
garde. Et les 20 000 chrétiens sont tués. Roland, Baudoin (le frère de Roland),
Thierry, survivent.
Roland fait retentir son cor d'ivoire, et l’ayant entendu, une centaine
de chrétiens le rejoignent. Roland retrouve Marsire et avec l’aide de Dieu l'abat,
mais ses compagnons sont tués. Roland est blessé de 4 coups de lance et
gravement atteint par les pierres et les javelots. Beligant prend la fuite.
Charles avait franchi le sommet du col et ignorait ce qui s'était passé
derrière lui. Roland se dirige avec son cheval au pied du port de Cize.
Là, "dans une charmante prairie, au pied du port de Cize, au-dessus de
Roncevaux, sous un arbre, auprès d'une pierre de marbre", Roland
dialogue avec son épée Durenda (signifiant "portant des coups
puissants" ou "écrase avec elle le sarrasin")". Il lui rend
hommage et... "craignant qu'elle ne
tombe aux mains des sarrasins, il frappe 3 coups sur la pierre de marbre pour
détruire son épée. Que dire de plus? Du sommet à la base, la pierre fut coupée
en deux morceaux et l'épée à 2 tranchants n'en fut point ébréchée."
Puis Roland sonne fort l'olifant ("son souffle fendit le cor en son
milieu")...le son parvient à Charlemagne dont l'armée avait dressé ses
tentes dans le lieu appelé aujourd'hui Val de Charles...Ganelon dissuade
Charles d'aller à son secours. Baudoin, puis Thierry portent secours en vain à
Roland. Roland se confesse à Dieu et meurt.
Turpin, qui, au même moment, le 16 juin, célébrait la messe des morts
avec Charles a une vision qui lui révèle la mort de Roland et le transfert de
son âme au ciel par l'archange Saint Michel, Marsire étant, lui, envoyé en
enfer. Turpin informe Charles. Baudoin, frère de Roland, arrive au camp et
raconte ce qui s'est passé...
Charles revient à l'endroit où gisait mort Roland. Funérailles
solennelles, ... honneurs rendus à Roland durant toute la nuit.
Le lendemain Charles revient à Roncevaux et s’élance à la poursuite des
païens sur les bords de l’Ebre, sous les murs de Saragosse. Il venge Roland en
tuant 4000 sarrasins. Le jour dura 3 jours, le soleil s'arrêtant dans sa
course.
La trahison de Ganelon fut prouvée à l'issue d'un combat entre Pinabel,
représentant Ganelon, et Thierry, représentant Charles. Thierry triompha.
Ganelon fut attaché à 4 chevaux et mourut écartelé et déchiqueté.
Roland fut enseveli à Blaye, à l'Eglise de Saint Romain avec son épée
prés de sa tête et son olifant à ses pieds...
D'autres héros le furent à Belin, au sud de Bordeaux...
Ainsi se présente l’histoire de Roland dans Le Livre de Saint
Jacques !
Le mythe de Roland a alors donné naissance à plein de légendes et la
chanson de gestes, la chanson de Roland, du XI ème siècle n’y est pas
étrangère.
C’est ainsi que la brèche de Roland, à Gavarnie, serait appelée ainsi
depuis la Renaissance par des érudits ayant lu le Roland Furieux (Orlando
Furioso) (poème épique de 46 chants) de l’Arioste°°, écrit au début du XVI ème
siècle. Celui-ci reprenant la célèbre chanson de geste de la fin du XI ème
siècle (Chançun de Guillelme). C’est l’explication que propose le portail
culturel consacré au pays des Vallées des Gaves, de Lourdes à Gavarnie (site :
www.patrimoines-lourdes-gavarnie.fr,
animé par Jean OMNES). Roland aurait réalisé cette ouverture béante entre les 2
parties de la montagne avec son épée Durandal. Voulant la briser afin qu’elle
ne soit pas prise par les Sarrasins, il la jeta contre la montagne et c’est la
montagne qui se brisa. Son exploit ne s’arrêta pas là car avec son cheval, il s’élança
dans les airs et retomba au chaos de Coumély où l’on peut encore voir les
traces de sabot du cheval. Ce lieu est appelé « pas de Roland ».
Evidemment, on trouve d’autres « pas de Roland » au Pays
Basque (Itxassou…) et en Haut Aragon (salto de Roldan). Magie des croyances !
Reconnaissons que le site de Gavarnie est majestueux et propice à
l’émerveillement. Dans un tel cadre, le personnage de légende qu’est Roland a
naturellement sa place. Les images prises ce 13 octobre depuis le refuge des
Espuguettes, à 2030 m d’altitude, en témoignent.
° Éditions Tallandier.