Josuah REY vient de m'envoyer ce beau texte plein de poésie:
"J'ai vu se
couler tant de mains sur mes eaux, dit la rivière. Tant de corps se courber au
miroir de mon corps, voyageuse éphémère.
Tant de
regards se perdre pour des rêves sauvages et quitter le rivage pour aller voir
ailleurs, emportés par mon chant.
J'ai cueilli
tant de larmes, et serré tant de mains, noyé tant de chagrins, dit la rivière.
Je vous connais, humains et vous porte en mes bras, vous apaise et vous guide.
Je lave vos
linges sales, emportant vos tourments, vos peurs et vos regrets.
Je vous lave
les mains et efface vos fautes. Je suis la transparence retrouvée et le pardon.
Je vous mène
à la mer en lourd troupeau serré, vous offre l'horizon pour ouvrir vos regards.
J'emporte
dans mes flancs la danse de vos mouchoirs, de vos joyeux corsages, le sang de
vos draps rudes tendus comme des voiles au secret de vos nuits.
J'emporte
vos ivresses dans mon galop furieux, écumante et comblée, j'emporte vos
ivresses et vous laisse l'ennui.
Je sais ce
beau reflet, des seins de lait des femmes, caresse leur épaule, et leur nuque
ravie dans la fraicheur d'été et mords leurs doigts, l'hiver, jusqu'à les faire
pleurer.
J'emporte
leurs secrets pour qu'ils deviennent pierres et roule et passe et mousse et les
enfoui sous l'algue.
J'emporte aussi
les filles qui demandent pardon, un
enfant dans le ventre et sombrent à jamais.
Des humains,
je sais tout et tout je leur pardonne. Je sais depuis longtemps comme il est
dur d'être homme et de le rester, pur, vivant, majestueux. L'homme dit tant de choses
quand il m'entre dedans et tente de se perdre. Ou bien de s'oublier. Qu'il
vient se purifier par les matins magiques, entrant nu dans l'aurore auréolée de
brume. Lui qui parfois s'endort, épuisé sur mes rives et pleure comme un
enfant.
Adieu, dit
la rivière, je reprends mon errance, me mêle au flux puissant de mon père
l'océan qui saura m'accoucher de toutes vos histoires et me porter au ciel
jusqu'au front des nuages et me dire la pluie et me dire l'orage et me parler
du vent.
Et je vous
reviendrai, goutte à goutte, dans la métamorphose de ma robe d'averse. Et je
vous reviendrai, rivière, comme avant."
Josuah Rey
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