Et si le Chemin n’était rien d’autre qu’une réflexion sur la mort ?
En ce jour des défunts, vendredi 2 novembre 2012, le cheminant se pose la
question.
Audrey
FERRARO, dans son roman, Un Amour de Camino, www.publibook.com, par l’intermédiaire
de ses deux personnages, Ester et Frank, est sans cesse « questionnée »
par ses diverses rencontres avec des cimetières, des calvaires ou même avec d’étranges
vieux arbres. Les cimetières et calvaires portent la trace du repos de corps
enterrés, veillés par la Croix, le Christ, sa mère, et les vieux arbres sont des
gardiens de portes. Portes de vie ou de mort.
« La
Lilloise marche à son rythme et s’imprègne de la nature qui l’entoure. Un
énorme châtaignier attire son attention. Elle caresse doucement l’écorce
rugueuse de l’arbre séculaire et pense aux nombreux pèlerins qui sont passés
devant lui, à l’abri des guerres et des conflits. » (Audrey FERRARO)
Quel
pèlerin a oublié l’énorme châtaignier à l’entrée de Triacastela en venant d’O
Cebreiro ?
Ou
celui situé
en terre de Galice, à la sortie de Sarria vers Barbadelo ?
Ce dernier aurait
plus de 800 ans. Il aurait ainsi vu passer presque tous les pèlerins. Les
habitants du village disent qu’il garde une porte du temps et le franchir
serait en quelque sorte allait vers plus de légèreté, et vers une forme
d’immortalité. Le chemin de Saint Jacques abolirait alors le temps et le
pèlerin aurait le sentiment de faire son pèlerinage dans l’éternité (cf. « Le voyage alchimiste »,
PGA films, film de Georges COMBE,
avec Patrick BURENSTEINAS,
scientifique passionné d’alchimie).
Pour
ma part en contemplant cet arbre, j’avais éprouvé un sentiment de petitesse et
d’humilité face à cet élément de la nature porteur de grandeur et
d’immortalité : « moi, je passe et toi tu restes ! ». Et
après avoir franchi cette nième porte sur le chemin, je poursuivais ma quête en
communion avec la nature.
Quel
pèlerin a oublié le vieux chêne et le calvaire de
Ligonde entre Portomarin et Palas de Rei ?
« Dans
la contrée de l’Ulloa, après le hameau de Lameiros, Ester et Frank remarquent
un magnifique chêne à côté duquel se dresse l’un des plus beaux calvaires
sculptés du camino…. » (Audrey
FERRARO)
De
fait ces vieux châtaigniers, ce chêne, ces calvaires, ce sont des signes ou des
symboles. Certains arbres veillent sur les passants-vivants, d’autres veillent
sur les morts. Les calvaires renvoient à notre finitude et à la poussière de
notre être ! Dans tous les cas ils sont supports d’une réflexion pour
l’esprit humain qui cherche le sens caché de ces signes !
La
mort, la vie, la naissance, le temps, l’être, la nature…
Alors
face à ces questionnements, que faire ? Faut-il, comme le suggère Paulo COELHO,
faire de notre vie « une lutte digne d’un être éternel » ?…
« L’homme est le seul être,
dans la nature, qui ait conscience de sa mort prochaine. Pour cette raison, et
pour cette raison seulement, j’ai un profond respect pour l’espèce humaine, et
je crois que son avenir sera bien meilleur que ne l’est son présent. Même en
sachant que ses jours sont comptés et que tout finira quand il s’y attendra le
moins, l’homme fait de la vie une lutte digne
d’un être éternel. Ce que les gens appellent vanité-laisser
des œuvres, des enfants, faire en sorte que son nom ne soit pas oublié-, je
considère cela comme l’expression suprême de la dignité humaine.
Il se trouve que, créature
fragile, il tente toujours de se cacher la certitude suprême de la mort.
Il ne voit pas que c’est elle qui le motive pour
réaliser les meilleures choses de sa vie. Il a peur du passage dans l’ombre, de
la grande terreur de l’inconnu, et le seul moyen qu’il ait de vaincre cette
peur, c’est d’oublier que ses jours sont comptés. Il ne comprend pas que, conscient de la mort, il serait capable d’avoir plus d’audace, d’aller beaucoup plus loin
dans ses conquêtes quotidiennes, puisqu’il n’a rien à perdre, dès l’instant où
la mort est inévitable. »…
PAULO
COELHO, dans Le Pèlerin de Compostelle, Editions J’ai Lu, www.jailu.com,
Ce
que dit COELHO, c’est un peu ce que
suggère la lecture des 2 têtes de mort et du creuset de Castrojeriz !
… «
Sur leur parcours, Frank et Ester passent devant la façade de l’église Santo
Domingo du XVI ème siècle où deux singulières têtes de mort en pierre
représentent le passé « O Mors » et l’éternité « O
Aeternitas » (Audrey FERRARO)
Oui,
ces deux têtes de mort invitent le pèlerin à une réflexion sur la mort !
Mais cette réflexion doit intégrer le creuset, le petit trou, situé sous la tête
MORS ? Ce creuset rappelle le four de l’alchimiste,
l’athanor ! Avec le creuset, l’alchimiste cherchait
inlassablement à décomposer la matière pour la rendre apte à accueillir la
lumière et à faire éclore la pierre philosophale qui ouvre le chemin de
l’éternité. De la même manière, par un travail permanent sur lui,
« l’homme ordinaire » se dépouille progressivement des scories qui
font son ego. Il accède alors à une dimension où le spirituel prend le pas sur
la matière ! Son « creuset » personnel, outil de
travail, une vie durant, doit permettre à l’homme de mourir en ayant mis
« son âme hors » (la mort), MORS.
Il
doit aussi favoriser l’émergence de la partie la plus noble de son corps, la
dimension spirituelle, celle qui incarne la lumière et qui se confond dans
l’éternité avec la transmission, ETERNITAS.
Pour
l’alchimiste le chemin de l’ETERNITAS c’était la quête du cinquième élément
(éternité, « éther sans la terre »), la quintessence.
Nous
sommes mortels, le passage de la vie à la mort fait appel à un creuset dont
l’usage doit donner du sens à notre cheminement !
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